La circulaire Lebranchu a-t-elle cessé d'exister ?

Publié le par fomagistrats

Le débat a animé il y a quelques semaines une liste de discussion bien connue des magistrats: La suppression de la circulaire dite Lebranchu, laquelle préconisait une limitation de la durée des audiences pénales à 6 heures par demi-journée et 10 heures par journée.

La méthode employée pour arriver à un tel résultat aurait été un modèle de courage et de dialogue social:  la non publication dans le journal officiel électronique du dit texte aurait entraîné cette disparition.
De manière assez surprenante, certains chefs de juridictions importantes se fondent sur cette analyse parue sur la liste de discussion privée (ne rassemblant pas tous les magistrats),  pour considérer que les dispositions en question sont désormais lettre morte et que plus rien ne s'oppose aux durées d'audience les plus folles.

Las, plusieurs points doivent dès à présent être opposés à cette vision du monde ou coulent des ruisseaux de  lait, de  miel et les procédures urgentes !

En effet, la circulaire n'a pas eu pour seul effet de donner une orientation sur la manière dont les juridictions devaient être organisées. Elle a aussi eu pour effet de créer un cadre juridique sur lesquels les agents du greffe et les magistrats ont pu s'appuyer pour rédiger des protestations et présenter des revendications. Ils ne s'en sont d'ailleurs pas privés. Ainsi en région parisienne, la circulaire a-t-elle été utilisée par des greffiers  refusant de siéger après minuit. En un mot, la circulaire a bel et bien créé des droits individuels.

Lesquels droits ne pourraient être supprimés qu'en application d'un texte législatif ou réglementaire dûment publié lui, ou à la suite d'une procédure individualisée portant notification de la modification et mention de l'exercice des voies de recours. Ce qui n'a nullement été le cas.

Remarquons enfin que au-delà de la durée même des audiences, les protestations les plus fréquentes émanant des juridictions portent sur les conditions dans lesquelles les affaires sont jugées: nombre de dossiers, possibilité d'être entendue pour la défense, différence entre heure de passage, heure de présentation et horaire réel etc. Et ces points, s'ils ne relèvent pas de la circulaire ont, à plusieurs reprises déjà justifié la condamnation de la République Française par la Cour Européenne des Droits de l'Homme pour violation du droit à un procès équitable.

Les termes du débat restent donc d'une douloureuse actualité et la circulaire "fantôme" garde tout son intérêt.

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